L’histoire de deux sœurs jumelles ennemies….

 

Ruines de Luisandre – Photo des Amis du Canton de Saint-Rambert

En 1305, dans la plaine de l’Ain, la guerre fait rage depuis plus de vingt ans. Ces terres, qui ne font pas encore partie du royaume de France, sont soumises aux ambitions de deux grands lignages : les comtes de Savoie et les dauphins de Viennois qui s’affrontent en différents lieux depuis le milieu du XIIe siècle. Le comte de Savoie, Amédée V (1285-1323) souhaite alors sécuriser la route reliant le Bugey et la Bresse, qui traverse la plaine de l’Ain. Il charge donc son fils, le futur comte Édouard, de construire une bâtie, une forteresse de terre et de bois qui sera située au sommet du mont Luisandre, afin de contrôler le col de Brey-de-Vent emprunté par les voyageurs.

Le dauphin Humbert Ier de la Tour-du-Pin (1282-1307) fait construire, cette même année 1305, une forteresse semblable sur la montagne des Allymes voisine. Désormais, deux forteresses ennemies se font face, à moins d’un kilomètre de distance. En 1312, d’un côté comme de l’autre, on commence à construire en pierre, mais les constructions piétinent du fait de la guerre. Une trêve signée en 1314 interdit de construire des bâtiments en pierre, mais dès 1315, on reprend la construction des deux côtés. Quand la trêve expire en 1318, deux forteresses se font désormais face, celle du Luisandre présente un plan carré flanqué d’une tour majeure dans un angle, celles des Allymes présente un plan similaire avec toutefois une tour ronde flanquant l’angle nord-ouest, très exposé à l’ennemi.

Malgré la poursuite de la guerre, les adversaires trouvent moyen de bâtir deux bourgs fortifiés situées à côté des forteresses. Le plus beau vestige en est le mur nord (manteau) des Allymes, long de 90 mètres et terminé par une petite tour ronde de guet.

Les deux ennemis se toisent pendant encore près de vingt ans, la position des dauphinois étant rendue plus précaire par la perte du château stratégique de Saint-Germain qui contrôle la vallée de l’Albarine (1321). Des attaques savoyardes se soldent par une première destruction du bourg des Allymes par le feu en 1321. En 1334, une nouvelle attaque importante laisse le châtelain dauphinois et son frère mort. Cette même année, suite à la signature du traité de Chapareillan, il est prévu d’échanger la bâtie des Allymes contre le château de Saint-Martin-du-Frêne, échange devenant effectif en 1335.

La bâtie des Allymes passe donc sous l’autorité du château savoyard de Saint-Germain, la guerre diminue en intensité mais reprend ses droits en 1352, année pendant laquelle de nombreux dégâts sont commis lors du passage de la chevauchée du seigneur Hugues de Genève. Toutefois, ce conflit centenaire trouve son issue en 1355 avec la signature du traité de Paris où le roi de France, nouveau maître du Dauphiné, s’accorde avec le comte de Savoie Amédée VI sur de nouvelles frontières délimitées par le Rhône et le Guiers. La forteresse des Allymes n’a désormais plus d’intérêt stratégique et vient de changer de mains depuis peu. Le changement de propriétaires affecte davantage la forteresse de Luisandre qui ne sera pas entretenue, et sera signalée comme ruinée dès le siècle suivant.

Écoutez Jean-Philippe, l’un des guides du château passionné d’Histoire et amoureux des lieux.